mercredi 9 novembre 2011

Bandits à Bangkok




Présentation des Philippines


Recevoir une invitation de la part des bandits ça n’arrive pas tous les jours.
Ce n’est pas sans crainte que j’ai lu la lettre que le Maire de Toumi m’avait envoyé, par compte des bandits, en juillet 2007, avec la demande d’une rencontre avec eux.
Les BANDITS : depuis plus de quatre ans nous vivions dans la peur à cause d’eux.
Seulement dans notre région,  l’Ouham Pende, en 2006 une enquête sur 9  mois sur un petit nombre de villages (29), indiquait  192 attaques dans les villages, 143 blessés, 30 morts et 27 viols, et 206 enlèvements.
Les bandits enlevaient les gens, et en particulier les enfants et les jeunes, pour demander une rançon. Ceci a causé un nombre important de déplacés (la ville de Bozoum est passé de 16.000 habitants à 28.000).
La plupart des écoles étaient fermés, parce que les parents ne voulaient pas risquer de garder dans un lieu  seul beaucoup d’enfants, qui pouvaient être la cible d’enlèvements.
En 2007 et en 2008  nous avions aidés les parents à inscrire  les enfants déplacés dans les école  de Bozoum, et nous avions ouvert une école en ville pour les déplacés des écoles fermées.
 
C’est dans ce contexte que j’ai reçu cette requête de la part des bandits. Ils voulaient chercher une solution pour sortir de leur vie, et ils me demandaient de jouer le rôle d’intermédiaire entre eux et le Gouvernement.
Il savaient très bien ce que nous faisions par rapport aux déplacés. Mais aussi que je ne cessais pas de pousser les gens à réagir, à ne pas se laisser décourager. Dans tous les villages j’invitais les adultes à ne pas laisser que 3 ou 4 hommes armées viennent tuer, blesser, enlever leurs enfants…
Nous avions aussi fait des efforts pour ne pas laisser à coté les villages touchés par les bandits, et nous avions construit des forages, des latrines etc. pour essayer d’encourager les communautés villageoises.
Présentation de l'Inde

Une fois reçu cette lettre, nous avons cherché d’y réfléchir et voir ce qu’il fallait faire. J’ai pris contact avec des autorités, à la capitale. Et au niveau de la Présidence il y a eu une réponse très positive.
Finalement le 31 juillet 2007 moi, un Conseiller Politique du Président, le Conseiller Militaire et le Chef de Cabinet particulier du Président nous sommes parti de Bozoum pour aller au rendez-vous. Nous, les 4, sur ma voiture, sans escorte et sans armes… Avec un grand désir de chercher une solution à ce problème, mais aussi avec pas mal de peur…
Cette première réunion a eu lieu à Toumi, un petit village à 75 km de Bozoum (475 km de la Capitale, Bangui).
Heureusement nous étions une bonne équipe, avec une très bonne entente : deux centrafricains, un français, un italien… Chacun avec son expérience et ses capacités.
Le but de la première réunion était de comprendre ce qui poussait les bandits à vivre ainsi, et pourquoi ils avaient cherché des contacts pour changer de vie.
La plupart d’eux c’était des jeunes du Tchad, mais aussi du Niger, Cameroun et Soudan. Chacun avec son histoire, et tous avec plusieurs année de violences, vols et crimes différents, avec des histoires de drogue et alcool, mais aussi avec des familles…
Pour ma part, étant un prêtre, sans préjugés politiques ou militaires, j’ai pu parler plus librement que les autres, et leur dire que ce ils faisaient c’était très mauvais, et que toute réponse à leurs demandes (soir de la part du Gouvernement   que de la part des ONG) ne pouvait être accueillie que s’il cessaient toute action et tout crime.
Je pensais avoir été un peu dur, mais j’ai vu que c’était ce qu’ils attendaient de moi.
Et en effet, après cette réunion, les bandits ont cessé les attaques. Même s’il a fallu du temps, parce qu’ils étaient divisés en plusieurs bandes, et pas toutes étaient d’accord.
Au retour… nous étions encore vivants, et plus contents qu’à l’allée… Mais surtout content d’avoir pu parler tranquillement avec ces hommes, et aussi avec la communauté du village.
Leur requêtes ?  C’était surtout la possibilité de rentrer au pays, dans leur familles, sans courir le risque d’être bloqué ou emprisonné. Ils avaient fait aussi des demandes bizarres (argent ou autre), auxquelles nous avons dit qu’il n’était pas question.
Réunion avec les Bandits!!!

Nous sommes retournés plusieurs fois pour approfondir le débat. Entre temps nous avons cherché à tous les niveaux (UE, Ambassades, Nations Unies, ONG)  d’obtenir des aides ou des conseils, mais personne n’était prête ou capable d’y répondre. Au sein du Gouvernement les idées non plus n’étaient claires. Nous envisagions de regrouper les bandits, de les identifier, et de les faire retourner dans leur pays, mais avec des conditions claires soit pour leurs Gouvernements que pour les bandits.
Au debout du mois d’octobre, nous n’avons pas pu faire la réunion dans l’école de Toumi… parce que l’école était occupée par les élèves… ça c’était un grand progrès : voir les élèves (plus de 300) à l’école, voir les gens côtoyer les bandits sans crainte… même dans les autres villages de la zone, la situation était plus tranquille.
Cette approche a permis souvent une bonne amélioration de la situation dans plusieurs villages, le retour des déplacés et la reconstruction.
L’école et le travail dans les écoles a eu un double impact :
·         d’un côté le retour des élèves à l’école (avec tout ce qui fait partie d’une vie « normale »)
·         d’autre part, une école ouverte engage parents, gouvernement et rebelles à un certain respect, qui favorise aussi le processus de paix

Finalement, en février 2008, un événement a causé un brusque changement : d’autres bandes de bandits ont attaqués un convois de voitures, et ont enlevé 2 médecins centrafricains.
Le Gouvernement n’a pas pu faire comme d’habitude (c’est-à-dire de ne rien faire), mais il a dû intervenir avec l’armé, pour un ratissage de la zone.
A ce point, les bandits ont préféré éviter des risques, et ils se sont éloignés. Et entretemps, les villages ont constitué des groupes d’AUTODEFENSE, qui ont empêché le retour des bandits.

Pour les rebelles, l’approche a été un peu semblable. Mais aussi un peu plus compliquée, parce qu’il avait des intérêts politiques derrière…
En 2005-2006 a commencé aussi l’autre problème du pays : la rébellion armée.
Il s’agit de bandes de jeunes, adultes et quelques ex-militaires, avec une certaine connotation politique, qui se présentent en libérateurs, et qui ont commencé à occuper certains partie du territoire, à cause aussi de la faiblesse de l’Etat (des autorités civiles, mais aussi de l’Armée).
Parmi les rebelles il y a des jeunes idéalistes, mais aussi des gens sans scrupules, sans programme, si non l’envie de profiter de la situation.
Avec les rebelles, l’approche a été similaire, même si avec quelques différences, dues surtout à l’élément politique, qui est plus compliqué. En outre… la population souvent était entre l’enclume et le marteau : victime à la fois des rebelles et de l’Armée.
L’action menée était celle de créer des occasions pour que la population civile, les autorités de l’Etat et les rebelles puissent se rencontrer et dialoguer.



Je pense que chaque pays a une situation différente.
Ce que je peux dire sur ce que nous avons vécu (et que nous vivons encore en partie), c’est que d’abord il faut CROIRE à la Paix.
C’est difficile, mais sans espoir et sans foi dans l’homme, on s’en sort pas…
Un aspect important c’est le fait d’être un prêtre, et de jouir ainsi d’une position assez neutre, bien que très engagée auprès de la population. Et cela facilité les choses, sois par rapport au hommes armées, qu’aux communautés locales et aux autorités civiles.
Autre point : ETRE CLAIR et francs. Ne pas promettre que ce qu’on peut raisonnablement obtenir. Ne pas craindre de faire des remarques et de pousser les gens à des changements.
Autre : avoir des interlocuteurs sérieux, surtout de la part du Gouvernement. J’ai eu beaucoup de chance à travailler avec des personnes avec un réel souci de la population. Mais cela n’est pas toujours possible.
Autre : travailler avec la population. En Centrafrique, malheureusement, les gens sont trop habituées à subir. Mais quand la population comprend que c’est une affaire à eux. Que leur fils, leurs conjoints sont en jeux, alors quelque chose peux changer.
Dernière leçon : certaines problèmes sont le fruit et la conséquences d’autres problèmes. C’est inutile et stupide de penser de résoudre le problème simplement en agissant sur le symptôme du mal. La rébellion et le banditisme ont des causes profondes, et le travail doit être fait en profondeur et en amont, et en particulier sur l’EDUCATION et en particulier sur  la QUALITE de l’éducation dans un pays en difficulté : un jeune n’a pas beaucoup de possibilité de trouver un travail, ou d’avoir des activités (économiques, commerciales, agricoles…). Son futur est presque sans espoir. C’est une des raisons de l’instabilité et du manque de sécurité. Il est parfois plus intéressant pour un jeune devenir bandit ou rebelle, que de fatiguer sur les champs, ou essayer de bâtir une vie professionnelle solide, qui est difficile à cause du trop faible niveau des études…
Il devient alors important de travailler pour l’Education. Et cela concerne tous :  l’Etat, les ONG, la société civile… Il y a du travail à faire !

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