vendredi 7 février 2014

Départs et départs…







Dimanche 2 février 2014
Après quelques jours de calme, vers 14h nous entendons des coups de feu.
Le matin les militaires  Camerounais de la Misca, en faisant une patrouille en ville, ont vu un home avec un fusil. Ils l’ont interpellé, mais celui-ci a tiré sur un soldat de la Misca et a pris la fuite. Les militaires ont demandé aux gens de leur indiquer le lieu de cet homme, et n’ayant pas reçu de réponses, ils ont embarqué sur leur blindé les présents. Ils les ont interrogé un à un dans leur base et ils les ont laissé partir, sans  trouver le coupable (deux femmes sont arrivées à l’hôpital, dont une avec un bras cassé, en disant qu’elles avaient été battues par les Misca pendant l’interrogatoire… mais il est impossible de vérifier).
Vers 15h je descends en ville : il y a beaucoup de monde sur la route principale. Je vais voir la Misca, qui me donne sa version. En sortant de la base, il y a beaucoup de monde qui crié et prétend le départ de la Misca de Bozoum. Je cherche de les faire raisonner, mais c’est pas facile.
Je passe un moment visiter les 2500 musulmans et Mbororos rassemblés dans leur secteur, et au retour je vois que des pneus sont incendiés devant la base de la Misca.
Il y a des tirs en l’air de la Misca, et plus tard il y a beaucoup d’endroits où les gens ont incendié des pneus.
Lundi 3 février 2014
Nuit assez tranquille, malgré les feux.
Les écoles publiques sont fermées, et une maitre et des élèves des écoles de la Mission Catholique sont menacés par un antibalaka. Ils sont nombreux en ville, avec fusils, machettes …
Vers 8h je descends en ville, et nous faisons une réunion avec la Misca, OCHA et MSF, et après nous en faisons une autre avec 4 chefs des antibalakas… Il y a des explications, de part et d’autre, et la discussion est bonne et ouverte, mais vers 9h 30 nous devons terminer, parce qu’on entend des tirs…
En effet, les antibalaka ont attaqué la zone où 2500 entre Musulmans et Peuls sont réfugiés… Malgré la protection de la Misca (dont 3 militaires sont blessés) il y aura 1 mort et 14 blessés, dont un grave. Les blessés ont été atteints des tirs de fusil, machettes et même des grenades (dont une est restée inexplorée…).
Vers 13h la situation semble plus calme, et à 15h je vais visiter le site des Musulmans…
Dans l’après-midi il n’y a plus eu de tirs… on verra
Mais… malgré les tirs et le désordre, il y a une bonne nouvelle ! Hyppolite est parti de Bozoum pour Bangui ! Hyppolite, un enfant qui est paralysé aux arts inférieurs depuis  presque 4 ans, a besoin de soins et de traitements. Et enfin aujourd’hui nous avons la possibilité, à travers MSF, de le mettre sur l’avion de la Croix Rouge qui va l’accompagner à Bangui, d’où il devrait partir samedi 8 février pour Bologne (Italie)…

Mardi et mercredi 4 et 5 février 2014
Arrive la nouvelle de l’arrivée d’un convoi de camions envoyé par le Tchad pour chercher les musulmans qui restent à Bozoum. Nous ne savons pas d’ils vont prendre tous les 2500 civils, ou s’ils vont en laisser une partie. Nous cherchons de trouver une place sécurisée pour y mettre des gens, au cas où…
Après les tensions de lundi, nous essayons de faire un bilan. Les auteurs des attaques aux musulmans sont des jeunes de Bozoum. Et de même les gens qui ont  pris les armes de la Gendarmerie et de la Police : 6 kalachnikovs …
Vers 12h du mercredi arrive le convoi du Tchad, et ils commencent aussitôt à charger les bagages, les biens et les personnes. Tous les 2.500 sont embarqués sur des camions archibondés. Je passe saluer et re-saluer les gens. C’est une peine voir partir les gens, des amis, des connaissances. Des jeunes, des femmes, des mères, des enfants,  des hommes me saluent. Avec certains c’est  émouvant : toute une vie à recommencer. Et pour certains le futur ne sera pas facile : ils ont tout perdu !
Au moment du départ nous recevons une très mauvaise nouvelle : les militaires de la MISCA vont partir !  Nous sommes plus qu’étonnés !!! Comment est-il possible ? En ville il n’y a aucune force de l’ordre, et les rares Gendarmes et Policiers se sont fait voler les armes la veille!
Nous insistons, mais il n’est pas question de rester !
C’est le départ des camions, et aussitôt le dernier véhicule parti, la population sort sur la route  principale en criant. C’est la joie pour le départ des musulmans. C’est aussi, peut-être, la joie parce que leur départ s’est bien passée sans  accidents…
Mais ce que je crains, se révèle être la réalité : tout de suite commencent les tirs !
Mais comment on peut laisser une ville comme ça ? Il n’y a pas d’autorité (le Préfet est absent depuis 2 mois) et pas moyen de limiter les violences.
Si la Misca reviendra, elle devra recommencer le travail à zéro, et ça ne sera pas évident !
Jeudi  et vendredi  6 et 7 février 2014
Grâce au départ (irresponsable) de la MISCA et l’absence des forces de l’ordre, nous avons droit à 2 nuits de tirs, qui se répètent aussi pendant la journée…  
Le marché est plein de choses, de légumes et de produits agricoles, mais il y a peu d’acheteurs ! le départ des musulmans et des Peuls aura des lourdes conséquences. Déjà les prix des produits importés (savon, carburants, huile, sel, sucre) est augmenté de 50 à 100%, tandis que la vente des produits agricoles chute, faute d’acheteurs.
Il y a quelques  dizaines  de jeunes avec des armes en ville. Je les interpelle, et parfois j’arrive à les faire partir, parfois leur réaction est forte : ils prétendent empêcher les voleurs et les pillards (et souvent c’est eux-mêmes les voleurs…), ou ils exigent d’être payés (par qui ? et après tous les pillages qu’ils ont fait ?).
Sur une moto je vois 3 personnes, dont 2 armées avec fusil. Je les gronde, et après je demande à celui du milieu quelle est son âge. Il me répond : 14 ans ! je lui dis de descendre et je confisque ses bâtons…
Jeudi matin je vais à 10 km, à Bata, visiter les écoles et amener de la nourriture.
On avance, petit à petit. Et parfois on ne sait même pas si on avance ou on recule ! Certes, l’absence de toute autorité civile ou militaire ne facilite pas les choses.  Unique solution, une prise de conscience et responsabilité de la part des habitants…











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